La Geste des Tisseurs
Par Desdemone
La brume épaisse couvrait les frontières du pays d'Ulardon. Le
royaume clair qu'il avait été, disparaissait lentement, morcelé par des
marécages infâmes et putrides, ou les pires dangers guettaient le
voyageur imprudent.
Les illusions créées par les mages et leur
maîtresse pour cacher cet état à leurs voisins se dissipaient peu à
peu, alors qu'ils devaient canalyser toute leur force dans les combats
qu'ils lançaient aux quatre coins de l'île contre les effrontés qui
avaient défié les tisseurs. Seul recours encore viable et ne demandant
que peu d'énergie, maintenir la brume sur le royaume, chape de plomb
d'ou rien, ou presque, ne filtrait.
L'ancienne citée bleue n'avait
d'enchanteur que la magie qui iradiait d'elle. Sa splendeur d'entan
était morte, et le bleu turquoise qui la teintait c'était transformé en
noir verdâtre.
Toutefois, un calme relatif avait gagné les
lieux. Les ennemis semblaient redouter franchir les frontières
inconnues, et seul mouvement, l'armée des non-morts qui sortait de la
brume, anonciatrice de prochaine désolation sur un ennemi repéré. Une
froide cruauté émanait des lieux, lame vengeresse tranchant les gorges
sans procès ni avertissement.
Pourtant, il fallait se rendre dans le lieu sacré, dans les forêts de Saoriandra.
La
sombre charette dans laquelle sont généralement empilés les morts suite
aux batailles est attelée. Un Ankou, la faux luisante, dans une toge
d'un noir de jais, attend sa maîtresse. Deux chevaux noirs sont attelés
à la charette : Le premier, maigre, efflanqué, se tient à peine sur ses
jambes. Celui du limon est gras, le poil luisant, et franc du collier.
Deux Ombres mènent le cortège et ouvrent la voie, au pas.
Enfin
la dame fait son apparition. Sa robe bleuté, dénote complètement avec
l'ambiance des lieux, faisant ressortir son teint cadavérique. Une
tiare dorée, éclatante, garnie de rubis et d'émeraudes, seind son
front, alors que dans sa main droite, elle arbore un long sceptre noir
de pouvoir.
A pas feutré, elle prend place sur la charette,
debout, derrière l'Ankou, et le cortège maccabre se met en marche, pour
finalement s'enfoncer dans la brume de la bordure.
- Mettez l'illusion en place, et vous la maintiendrez de concert. Puisez en vos frères autant que nécessaire, elle doit perdurer jusqu'à notre retour.
Les
deux Ombres qui arborent à présent une forme humaine se tournent vers
leur maîtresse pour incliner la tête en signe d'acquiescement, avant de
continuer leur route, suivis du char, en murmurant des incantations
pour envelopper tout le groupe.
Bientôt, ils arriveraient à la frontière, bientôt, le véritable voyage débuterait.